Ce qui a démarré par la révolte d’une poignée d’étudiants américains est devenu en quelques années un mouvement international baptisé « Go Fossil Free » (Sortir des énergies fossiles). Aujourd’hui, il se targue de réunir plus de 1 100 institutions, pesant 11 500 milliards de dollars, et 58 000 particuliers engagés à ne plus soutenir le charbon, le pétrole et le gaz. Voici le huitième épisode de notre série consacrée à la mobilisation des jeunes pour le climat.
C’est dans un petit campus américain de la banlieue de Philadelphie, le Swarthmore College, que l’histoire a démarré en 2011. De retour d’un voyage dans les Appalaches, une poignée d’étudiants, inquiets des ravages de l’extraction du charbon sur l’environnement, a décidé de faire pression pour que les fonds d’investissement de leur université se retirent des énergies fossiles.
Ils sont alors soutenus par le Wallace Global Fund et l’association 350.org, créée par le militant Bill McKibben, pour lancer d’autres campagnes de désinvestissement à travers le pays. Leur objectif ? Convaincre les institutions de désinvestir des combustibles fossiles. Le Hampshire College, dans le Massachusetts, est le premier à franchir le pas.
Un mouvement qui fait tache d’huile
Première victoire pour ce qui deviendra un mouvement international de désinvestissement qui s’inspire de celui mené dans les années 80 par des étudiants pour lutter contre l’apartheid. 155 campus avaient alors appelé au boycott des entreprises collaborant avec l’Afrique du Sud. Après celle du Massachusetts, ce sont les universités de Stanford et Yale qui suivirent, rejointes par Glasgow puis Oxford, de ce côté-ci de l’Atlantique. Aujourd’hui, ce sont plus de 170 campus qui ont pris des mesures pour se désengager de tout ou partie des fossiles (15 % des institutions). Nous sommes passés de 52 milliards de dollars désinvestis en 2014 à plus de 11 000 milliards de dollars en novembre 2019, soit une augmentation de 22 000 %.
Plus de 1 110 institutions et 58 000 particuliers sont maintenant mobilisés pour exclure le charbon, le pétrole et le gaz. Le mouvement inclut désormais des fonds souverains, des banques, des gestionnaires d’actifs, des compagnies d’assurance, des villes, des fonds de pension, des groupes confessionnels et des fondations. On trouve ainsi le Fonds souverain norvégien, le plus important au monde, le fonds Rockefeller Brothers, la British Medical Association, Amundi Asset Management, la Caisse des Dépôts, ou encore New York City.
Un risque pour l’industrie fossile
« La portée de ce mouvement mondial est énorme, estime 350.org dans un rapport publié en septembre (1). Les sociétés pétrolières comme Shell pointent maintenant le désinvestissement comme un risque matériel pour l’entreprise. Récemment, le numéro 1 de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) a également déclaré que le mouvement climatique est la plus grande menace qui pèse sur l’industrie.«
Dans une publication d’octobre 2018, la banque d’investissement Goldman Sachs a estimé que le mouvement de désinvestissement du charbon a été un facteur clé dans la baisse de 60 % de la notation du secteur ces cinq dernières années. Un récent rapport a aussi démontré que Blackrock – le plus gestionnaire d’actifs au monde – avait fait perdre 90 milliards de dollars à ses clients depuis dix ans en misant sur les énergies fossiles.
En France, le collectif Sciences Po Zéro Fossile demande la fin du partenariat entre Total et l’école. Selon les étudiants, l’influence de la société pétrolière et gazière se manifeste dans le contenu des cours, le choix des intervenants et dans les offres de stage ou d’emploi. Ils dénoncent aussi une faible part des enseignements dévolus aux énergies renouvelables.
* Avec novethic