Chaque année, environ 70 000 tortues marines et 200 000 oiseaux de mer meurent à cause des prises accidentelles des flottes de pêche de l’Union européenne (UE). Ces exemples, qui pourraient être étendus à d’autres espèces marines, révèlent la dimension réelle de l’impact environnemental généré par le problème des prises accidentelles, qui découle des interactions entre la flotte de pêche et la mégafaune marine. Les prises accidentelles d’espèces menacées représentent également un problème pour l’industrie de la pêche, avec de graves conséquences économiques et juridiques.
Un tel bilan ne pourrait passer inaperçu. Ainsi, comme le souligne un communiqué parvenu à Espacedev, REDUCE (Reducing bycatch of threatened megafauna in the East Central Atlantic) qui est un nouveau projet, doté d’un budget de près de 9 millions d’euros financé par le programme Horizon Europe de l’UE, sera mis en œuvre de janvier 2024 à décembre 2027. Son objectif principal est de promouvoir une gestion plus durable des pêches et de réduire les prises accidentelles de certaines des espèces sauvages marines les plus menacées, selon la même source. Cette dernière annonce que le projet est codirigé par le professeur Jacob González-Solís et le maître de conférences Manel Gazo, de la faculté de biologie et de l’Institut de recherche sur la biodiversité (IRBio) de l’université de Barcelone.
Le consortium du projet est composé de treize partenaires issus de cinq pays différents : Espagne, Portugal, France, Sénégal et Royaume-Uni. Les partenaires à part entière sont les universités de Barcelone (UB), Valence (UV), Saint-Jacques-de-Compostelle (USC) et Coimbra (UC) ; l’Institut de recherche marine (IIM) et l’Institut espagnol d’océanographie (IEO) ; le Conseil national espagnol de la recherche (CSIC) ; le Centre technologique de la mer – Fondation CETMAR (CETMAR) ; l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ; le Centre interdisciplinaire de recherche marine et environnementale (CIIMAR) ; le Centre de recherche sur la biodiversité et les ressources génétiques (CIBIO-BIOPOLIS) ; la société DATAFISH et le Partenariat régional pour la conservation des zones côtières et marines (PRCM). BirdLife International et la Marine Biological Association, qui ont toutes deux leur siège au Royaume-Uni, constitueront des partenaires associés à ce projet.
Cette initiative est d’autant plus pertinente que les prises accessoires menacent la biodiversité marine. « Les prises accessoires peuvent représenter jusqu’à 40 % du total des captures de pêche, soit 38 millions de tonnes rejetées chaque année dans le monde. Ce volume de prises accessoires perturbe la chaîne alimentaire océanique et peut constituer une menace pour la survie d’espèces déjà soumises à la pression de diverses autres activités humaines ».
Le projet REDUCE se concentrera spécifiquement sur le développement et l’expérimentation de nouvelles technologies et stratégies de gestion pour mieux évaluer, contrôler et réduire les prises accidentelles d’oiseaux, de tortues, de cétacés, de requins et de raies a bord des de la flotte européenne de pêche lointaine composée de chalutiers, de senneurs et de palangriers, opérant dans les eaux de l’océan Atlantique depuis les côtes de la péninsule ibérique jusqu’à la Macaronésie et au golfe de Guinée.
Les prises accidentelles d’oiseaux de mer et de tortues marines ne sont que la partie visible de l’iceberg. Si le risque d’extinction de nombreuses espèces d’oiseaux et de tortues de mer menacées est bien connu, l’état de conservation de nombreuses espèces de cétacés, de requins et de raies, dans ces zones marines, n’est pas moins préoccupant.
« REDUCE vise à rassembler les efforts de tous les secteurs concernés par cette problématique et à appliquer les approches scientifiques interdisciplinaires les plus innovantes pour réduire les prises accidentelles de mégafaune marine. Dans ces zones marines, la recherche d’une compréhension des taux de prises accidentelles de mégafaune, de leurs causes, de leurs impacts et des moyens de les atténuer a été peu développée par rapport à d’autres zones où la flotte de pêche de l’UE opère », note Jacob González-Solís, responsable du laboratoire d’écologie des oiseaux de mer à l’UB.
« Les prises accidentelles constituent le problème de conservation le plus courant et la principale cause de mortalité d’origine humaine parmi les espèces de la mégafaune marine. Le fait qu’il s’agisse de captures non désirées ne justifie pas l’inaction. Nous devons recourir à la science, à l’éducation, à la communication et à l’engagement de toutes les parties prenantes pour solutionner efficacement le problème. Notre stratégie consiste à impliquer tous les secteurs économiques, en particulier l’industrie de la pêche et les acteurs politiques concernés, afin d’explorer les voies possibles pour réduire la mortalité associée aux activités de pêche », ajoute Manel Gazo, membre du groupe de recherche de l’UB sur les grands vertébrés marins.
Cette initiative vise à améliorer les programmes de surveillance des pêcheries, en y intégrant la surveillance électronique, à promouvoir la compréhension des prises accidentelles et de leurs impacts sur les plans scientifique, économique et sociétal, et à évaluer les mesures d’atténuation potentielles. L’élaboration de solutions durables pour les prises accidentelles nécessite l’intégration de diverses sources de données scientifiques et l’évaluation critique des cadres actuels de gouvernance marine dans la zone ciblée par REDUCE. Ce processus implique une étroite collaboration avec l’industrie et les autorités, y compris celles des pays d’Afrique de l’Ouest. Relever ce défi important s’inscrit dans le cadre du traité international adopté par les Nations unies en mars 2023 pour protéger les zones de biodiversité marine situées au-delà des juridictions nationales (biodiversité au-delà des juridictions nationales, BJN).
Le communiqué explique qu’au cours des cinq dernières années, notre compréhension des impacts de la pêche industrielle sur les espèces vulnérables, telles que les oiseaux de mer et les tortues marines, a considérablement progressé dans la région de l’Afrique de l’Ouest. Ces progrès ont été réalisés grâce au projet « Réduction des captures accidentelles des oiseaux et tortues de mer dans les pêcheries industrielles d’Afrique de l’Ouest », une initiative régionale financée par la Fondation MAVA et coordonnée par BirdLife International. Le projet, mené en collaboration avec des partenaires tels que l’UB, l’IRD, la Convention sur les espèces migratrices, le PRCM et les départements de la pêche du Sénégal, de la Guinée, de la Mauritanie, de la Guinée-Bissau, de la Gambie, du Cabo Verde et de la Sierra Leone, a joué un rôle crucial dans l’obtention de cette amélioration.