Chaque année, le Sénégal se transforme en un océan de désespoir, où des centaines de milliers de familles voient leurs maisons et leurs vies submergées par des flots incontrôlables. Malgré des investissements de plusieurs centaines de milliards de francs CFA, le problème des inondations reste non résolu, laissant les citoyens dans un désarroi total à chaque période hivernale.
Les programmes de gestion des inondations au Sénégal sont comme des barrages de sable face à un tsunami. Ils manquent de planification rigoureuse, de coordination efficace et de maintenance continue. Les experts dénoncent une urbanisation anarchique et une absence de vision à long terme. Les milliards de francs CFA investis semblent se dissoudre dans les eaux, sans apporter de solutions durables.
Les nouvelles autorités sénégalaises, dès leur prise de fonction, ont cherché à mettre les bouchées doubles pour limiter les dégâts. Cependant, les courts délais et les défis immenses rendent la tâche herculéenne. L’engagement des populations, à travers des initiatives comme “Setal Sunu Reew”, est louable mais insuffisant.
Il est fort heureux d’apprendre que les autorités de la troisième alternance entendent procéder à l’évaluation des actions de lutte contre les inondations déroulées dans cette dernière décennie pour ensuite engager une réorientation de la stratégie nationale d’assainissement en cohérence avec le renouveau des politiques en matière d’aménagement du territoire, d’urbanisme et d’habitat. Il faudrait s’en féliciter d’autant plus que les autorités envisagent aussi l’actualisation et la généralisation des Plans Directeurs d’Assainissement (PDA) et de proposer un nouveau Programme Intégré de Développement de l’Assainissement (PIDA). Espérons que ces initiatives privilégieront des approches de planification participative et de cesser aussi ou tout au moins réduire l’implémentation verticale des projets ou programmes sans une bonne implication des communautés. À ce niveau, les services techniques et les municipalités devraient se réunir avec les communautés, présenter les projets, les types d’actions et aussi les coûts et faire preuve de flexibilité pour opérer les réaménagements nécessaires. Aussi, la participation des communautés dans la mise en œuvre et le suivi, reste fondamentale, répondant ainsi aux impératifs de transparence et de redevabilité.
Une telle approche devrait aussi permettre de donner un contenu opérationnel aux concepts d’appropriation et de pérennisation. Les politiques publiques doivent en réalité être perçues comme des politiques communautaires, c’est-à-dire visant au premier chef le bien-être des populations. « Agir sans les populations, c’est agir contre elles », comme le disait Thomas Sankara.
Cette approche, qui va marquer une rupture dans la façon dont les questions d’inondations étaient gérées jusqu’ici, démontre à suffisance la volonté de passer à une échelle stratégique supérieure comme cela se fait dans les grands pays au monde. Prenons exemple sur les Pays-Bas, un pays qui a su transformer ses contraintes en opportunités. Situé en grande partie sous le niveau de la mer, ce pays a développé des infrastructures de gestion durable des eaux parmi les plus avancées au monde. Les polders et les digues sont des témoignages vivants de leur maîtrise des techniques de gestion des inondations. Les canaux, quant à eux, ne sont pas seulement des voies de drainage, mais aussi des artères de navigation et des lieux de loisirs.
Le Japon et Singapour ont également réussi à dompter les inondations. Le Japon, avec ses systèmes de drainage souterrains titanesques au profit de l’agriculture, et Singapour, avec ses réservoirs intégrés dans des parcs urbains, montrent qu’il est possible de transformer une menace en atout. Ces pays ont su allier technologie, planification et engagement communautaire pour créer des environnements résilients et prospères.
Pour transformer les inondations en sources de développement, il est impératif de repenser la gestion des eaux de manière holistique, dans le cadre de la généralisation des PDA et la formulation du PIDA. Il faut investir dans des infrastructures durables, renforcer la coordination entre les acteurs et impliquer les communautés locales. En s’inspirant des modèles réussis à l’étranger et en adaptant ces stratégies au contexte sénégalais, notre pays peut non seulement atténuer les effets des inondations, mais aussi en faire des opportunités de croissance économique.
Les inondations, loin d’être une fatalité, peuvent devenir un levier de développement et de résilience pour le Sénégal. Les nouvelles autorités, pour une gestion durable et efficiente des inondations, doivent saisir l’opportunité de la formulation du PIDA pour transformer les défis en atouts, les contraintes en opportunités, et les inondations en sources de prospérité. « L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt », et il est temps pour le Sénégal de se lever et de transformer ces défis en opportunités.
Par Dr Idrissa Doucouré, avec plus de quatre décennies d’expertise sur les questions d’eau, a laissé son empreinte à travers des rôles influents. Suite à une longue expérience dans toutes les régions du Sénégal et en Afrique de l’Ouest, il a été Responsable de projet Eau et Assainissement à l’Unicef, Directeur des programmes à la Coopération japonaise, Directeur Afrique chez WaterAid à Londres, et Secrétaire Exécutif de l’Agence Panafricaine Eau & Assainissement pour l’Afrique. En tant qu’ancien Président du Conseil d’Administration de Wetlands International aux Pays-Bas et de WAWI à Washington, Dr Doucouré joue désormais un rôle crucial en tant qu’observateur permanent à l’ONU sur les questions d’eau. Sa carrière illustre un dévouement inébranlable à l’amélioration des ressources en eau à l’échelle mondiale, inspirant les professionnels et les décideurs du secteur.
*Idrissa Doucouré
PhD, Exécutive MBA, Master en planification stratégique et Ingénieur
Président du Conseil Mondial des Investissements et des Affaires, Londres