Le grand invité Afrique : le lancement du satellite Gaindesat-1A est «un gain de temps, d’énergie et d’argent»

0
115

Vendredi 16 août dernier, le Sénégal a franchi une étape historique en envoyant dans l’espace son tout premier satellite conçu et fabriqué par des ingénieurs sénégalais. Le microsatellite GAINDESAT-1A ou le Gaïndé – « lion » en wolof – a été lancé à bord de la fusée Falcon 9 de SpaceX depuis la base de Vandenberg, en Californie. L’objet spatial sera capable de recueillir des informations pour la gestion des ressources en eau au Sénégal. Professeur Gayane Faye est le coordonnateur du projet spatial sénégalais SenSat et répond aux questions de RFI.

Tout d’abord, quelles sont les caractéristiques du satellite Gaïndé ?

Pr Gayane Faye : Il y a plusieurs gammes. Le nôtre est un micro-satéllite qui pèse environ un kilo et qui est cubique avec des arêtes d’à peu près 10 cm. Donc c’est un satellite qui a une charge utile qui permet de faire deux missions : une mission pour la collecte d’informations et une mission pour l’imagerie, c’est d’ailleurs pour ça qu’on l’appelle GAINDESAT. L’acronyme signifie « Gestion automatisée et d’informations et de données environnementales ». Nous l’avons choisi car « Gaïndé » c’est aussi le lion, l’emblème du Sénégal.

Et concrètement, quelles seront ses missions ?

On a identifié deux missions principales. La première, c’est de la collecte d’informations. Pourquoi ? Parce que l’institut national – qui a en charge la collecte d’informations – a des stations à travers le Sénégal pour suivre les cours d’eau et les lacs au niveau national : les débits, les hauteurs d’eau et un certain nombre de paramètres. La première mission consistera à savoir, à chaque fois que le satellite passe au-dessus du Sénégal, d’aspirer les données qui ont été inscrites par les stations et les renvoyer à la station de contrôle à Dakar pour les mettre à disposition. Donc c’est un gain de temps, un gain d’énergie et un gain d’argent pour eux. La deuxième mission, c’est l’observation de la Terre. Ça va permettre d’avoir un certain nombre de données pour faire plusieurs applications autour de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche de la région côtière, du changement climatique, de la déforestation, des inondations, etc. En bref, il y a énormément d’applications dans le domaine de l’observation.

Avec ce premier satellite, le Sénégal rejoint le club africain des États ayant lancé leur propre satellite, comme le Nigeria, l’Égypte ou encore récemment Djibouti. Dans ces pays, est-ce qu’on a pu y constater des résultats concrets ?

Effectivement, dans certains pays, il y a des résultats. Par exemple, quand je prends le cas du Nigeria, ils ont une agence spatiale aujourd’hui où travaillent des milliers de personnes. Ils sont très en avance et parviennent à produire des effets sur la vie de la population. L’Afrique du Sud, pareil, l’Égypte également. Je prends le cas du Nigeria, qui travaille beaucoup sur l’utilisation des données de leur satellite pour l’agriculture, pour la gestion agricole. Donc ça c’est un cas pratique réel. J’ai des amis qui travaillent à l’Agence spatiale nigériane, la NASRDA, avec qui je discute beaucoup lors de rencontres dans les forums africains. Ils ont aujourd’hui une grande avance dans le domaine et ils parviennent à tirer profil spatial.

L’intérêt pour le spatial en Afrique grandit. Il y a deux ans, l’Union africaine a même lancé un Forum annuel sur l’espace. Dr Faye, quel regard portez-vous sur la politique spatiale africaine, et surtout, que répondez-vous aux personnes qui estiment qu’il y a des projets plus urgents sur lesquels investir ?

Le grand public ou la majeure partie des gens, quand vous parlez de spatial, ils pensent que c’est un luxe, ou bien que c’est juste une question géostratégique. Or le spatial est incontournable. C’est comme quand on parlait de l’informatique : aujourd’hui, c’est incontournable, on ne peut rien faire sans. Il y a une étude au niveau de l’Union africaine qui a été faite et qui montre que l’Afrique dépense énormément de milliards par an pour la question de produits de services spatiaux. Ça ne peut pas continuer. Donc le Sénégal a décidé d’entrer dans le spatial, mais pas n’importe comment ! Nous aurions pu nous contractualiser avec une organisation privée, leur donner une mission, ils fabriquent un satellite, ils lancent, et on l’exploite. Mais nous avons plutôt décider de miser sur nos propres ressources humaines. Parce que si vous voulez développer le spatial dans le pays, il faut avoir des ressources humaines capables de le porter. Et c’est pour ça que le Sénégal a misé sur ses ressources humaines et je pense que c’est la meilleure  démarche.

Avec RFI

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici