En ce début du mois de septembre 2024, notre président de la République, son Excellence M. Bassirou Diomaye Diakhar Faye, depuis son élection va réserver sa première visite d’Etat à la République populaire de Chine.
C’est tout un symbole qui appelle un décryptage, pour notre part, nous avons choisi un décryptage optimiste, d’une certaine manière, sur les futurs choix économiques du « Projet ». Ce voyage au pays du pragmatisme économique, qui fascine et en même temps sert de modèle peu ou prou à beaucoup de dirigeants ambitieux et lucides du Tiers-monde monde, nous semble fort opportun.
Lorsqu’on cherche des modèles, on se dirige vers ceux qui vous impressionnent et vous inspirent, ceux qui peuvent vous servir de boussole, de direction.
La Chine populaire est, de ce point de vue, l’un des meilleurs modèles au monde pour nos pays, non pas à imiter aveuglément, mais qui doit nous inspirer de manière positive et créatrice.
Deng Tsiao Ping, le concepteur du développement économique, financier, technologique, militaire et social prodigieux de la Chine populaire moderne, après le Président Mao Tsé Toung, dans une boutade devenue célèbre, qui traduit son pragmatisme dans la conduite des affaires d’un pays, disait : « …que le chat soit noir ou gris, pourvu qu’il attrape la souris ».
C’était lors du lancement du programme dit des « Quatre Modernisations » (Industrie, Armée et Défense, Sciences et Tecnologies, Agriculture ), au début des années 1980, dans un pays qui sortait à peine de 20 ans de chaos et de régression, conséquences de la «Révolution Culturelle» conduite par une bande d’ultras gauchistes alliés aux gardes rouges et aux étudiants, dénommée la « Bande des Quatre », dont Tchang Thing, l’épouse de feu le Président Mao.
Cette sagesse de Deng Tsiao Ping, est devenue depuis lors, la référence des pragmatiques politiques du monde entier.
C’était tout simplement une manière de dire pour Deng Tsiao Ping, que la Chine en avait assez de la phraséologie et des querelles polico-idéologiques de la « Révolution Culturelle » qui avaient engendré des millions de morts (20 millions selon certaines sources) et un énorme bond en arrière, l’heure était venue de régler les urgences et priorités de la Chine et de son peuple. La façon dont on appelait la démarche importait peu, l’essentiel résidait dans l’efficacité et le résultat concret à atteindre.
Pour en revenir à notre pays, le Sénégal, que le Référentiel des politiques publiques s’appelle le PSE ou le « Projet », l’objectif est de régler les urgences et les priorités socio-économiques fondamentales.
Peu importe les appellations, les exigences de notre peuple sont simples et concrets, elles se résument peu ou prou ainsi :
– la réduction du coût de la vie, de la pauvreté de masse, du chômage, du sous-emploi, de l’émigration clandestine, de l’insécurité;
– l’augmentation en quantité et en qualité des infrastructures et des services sociaux de base;
– la production et la valorisation de la nourriture minimale nécessaire pour satisfaire nos besoins de consommation de base ;
– l’exploitation et la valorisation rapides et profitables pour nos populations du gaz, du pétrole et des ressources naturelles;
– la mise en œuvre accélérée des réformes pour une gouvernance plus optimale et plus vertueuse des institutions et des ressources publiques;
– le renforcement des libertés et de la justice sociale dans un État de droit et démocratique, qui assure l’égalité et l’équité entre les citoyens, le développement des territoires, l’inclusion sociale et la protection des couches vulnérables.
Le « Projet », qui sera le nouveau référentiel des politiques publiques, devra être un dépassement dialectique du PSE, « la négation de sa négation », aussi bien sur les plans technique et méthodologique, que dans ses axes d’orientations stratégiques et les réalisations concrètes projetées.
Le « Projet » devra être la consolidation des acquis du PSE, la correction de ses insuffisances et de ses limites par l’ouverture de chantiers nouveaux à plus fortes valeurs ajoutées sociales, économiques et de progrès.
Par contre, si le « Projet » doit être la tabula rasa (table rase) du PSE, son effacement total, on risque d’aller droit vers des difficultés. Cela, pour au moins deux raisons, d’une part ce sera une mission impossible à cause des contraintes liées à notre système de planification- budgétisation (programme) et des engagements pluriannuels pris avec les Partenaires techniques et financiers, ensuite et d’autre part, parce que, le processus de développement d’un pays est un processus cumulatif à partir d’une situation de référence historique donnée.
Le PSE devra être la rampe de lancement du « Projet » pour que le « Projet » soit porteur de croissance forte et durable, d’inclusion sociale et de prospérité pour la nation! Sinon, on risque d’aller vers des errements inutiles en termes de temps et de ressources ou vers des stratagèmes consistants à renommer les axes d’orientations stratégiques, projets et programmes du PSE d’une autre façon sans l’avouer.
Le PSE est le patrimoine de notre pays et doit être appréhendé comme tel !
Enfin, cette lapalissade, un pays ne peut pas être souverain économiquement s’il n’est pas économiquement émergent !
L’émergence est un pré-requis pour la souveraineté économique.
Les cas de l’Afrique du Sud, de l’Egypte, du Maroc, de l’Ile Maurice, du Brésil, de l’Inde, de la Malaisie, de la Corée du Sud, de la Chine sont là pour le prouver amplement.
Le PSE, dont l’axe central d’orientation stratégique est l’instauration d’une croissance forte et durable, par la transformation structurelle de l’économie, n’est-il pas la résultante, entre 2012 et 2014, de la fusion entre le Programme « Yonu Yokute » du candidat Macky Sall avec la « Stratégie de Croissance Accélérée » (SCA), « la Stratégie de Développement Economique et Sociale » (SNDS) et « l’Etude Prospective Sénégal 2035 » léguées par le régime du Président Wade ?
Par contre, pour ce qu’on l’on en sait des orientations du « Projet », son axe central est la souveraineté économique.
Cette orientation stratégique si elle est confirmée, risque de buter à deux contraintes fortes, le temps nécessaire à sa réalisation et la faiblesse de l’économie de notre pays pris isolément (le Sénégal fait partie des pays très pauvres du monde, avait-on coutume de nous rappeler !).
Le temps de réalisation risque d’être relativement long au regard du mandat présidentiel qui est de 5 ans, du fait des contraintes nombreuses et complexes, économiques, financières, diplomatiques, monétaires, sociales, scientifiques et technologiques.
Le niveau de pauvreté de notre pays en lui-même génère chaque jour et chaque heure, la dépendance sur tous les plans, celle économique en particulier.
Je passe sur la faiblesse des investissements, la taille très petite de notre marché national, les retards industriel, scientifique et technologique de notre pays .
Convenons-en, nos ressources sont très limitées par rapport à nos besoins de développement, le Sénégal pèse peu économiquement, financièrement dans le concert des nations d’Afrique et du monde.
Concrètement, la question légitime qu’on est en droit de se poser au regard de toutes les contraintes déclinées plus haut, est celle-ci, est ce que l’aspiration à une économie souveraine, quoi que légitime, est-elle une aspiration réaliste pour le Sénégal pris isolément ?
Ne devrions-nous pas travailler plutôt à bâtir prudemment et efficacement les résiliences indispensables et nécessaires minimales, avant de songer à la souveraineté économique tout de suite ?
La résilience étant la capacité de notre pays à faire face à certains chocs endogènes et exogènes majeurs.
Autant d’interrogations qui peuvent paraître critiques et même suspectes, mais incontournables pour bâtir un « Projet » à succès !
Avouons-le ! Le PSE en tant que Plan de développement, bien qu’ayant permis à notre pays de faire de grands bonds en avant, sur tous les plans et en si peu de temps, n’épuise pas les perspectives rationnelles de développement et de bien- être du Sénégal.
Le PSE peut et doit être amélioré dans ses axes d’orientations stratégiques, dans son contenu, dans ses méthodes de mise en œuvre. Il peut aussi être amélioré dans son pilotage et sa gouvernance.
Pour l’heure, revenons à ce qui nous semble être les principales priorités socio-économiques à régler au Sénégal :
- la restauration des capacités budgétaires et financières de l’Etat et la réduction de son endettement.
Aucune souveraineté économique n’est possible sans le règlement des préalables que sont l’assainissement budgétaire et la réduction de l’endettement extérieur et intérieur actuel du Sénégal. La souveraineté monétaire en particulier.
- la réduction du poids de l’Etat dans le PIB, pour un Etat moins tentaculaire et moins aspirateur des ressources nationales, qui optimise les ressources publiques, plus efficace dans ses missions, doté d’ un budget réaliste et réalisable.
La vérité et le réalisme budgétaires devraient permettre de libérer des ressources additionnelles pour l’investissement public, le secteur privé et aussi pour réduire l’inflation. Un Etat trop lourd dans le PIB a tendance à aspirer plus de ressources que de raison et aussi, à augmenter les impôts et taxes, plus que de raison ! Le Sénégal est l’un des pays les plus chers au monde parce l’Etat pèse trop sur les ressources du pays.
D’ailleurs, beaucoup d’experts invoquent souvent les importations pour expliquer la cherté du coût de la vie au Sénégal, alors que les pays zones franches comme la Gambie qui importent presque tout sont moins chers que nous.
3- l’engagement sincère et efficace sur les questions liées à la gouvernance, à la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics, à l’enrichissement illicite qui sont des formes pernicieuses de gaspillages et d’éviction des ressources nationales potentielles des créneaux d’investissement pour le développement.
4- La création d’un véritable secteur privé national (en dépit de toutes les fanfaronnades, nous n’avons pas encore un secteur privé national à niveau pour porter l’émergence et le développement du Sénégal. Peu de véritables capitaines d’industries et d’entrepreneurs, beaucoup d’affairistes et de rentiers ! ).
5- la mise en place d’un écosystème efficient de financement du secteur privé, des entrepreneurs, des porteurs de projets et d’initiatives.
6- l’accélération du processus de souveraineté et de sécurité alimentaires pour nourrir nos populations sur l’essentiel et réduire les importations et la dépendance alimentaires.
7- l’instauration d’un climat socio-politique et des affaires stable, apaisé et sécurisé, qui rassure et motive les entrepreneurs et les investisseurs nationaux et étrangers.
La réalisation de cette priorité est la condition sine qua none de mise en œuvre des autres énoncées plus haut.
Pour conclure cette réflexion, rappelons cette vérité triviale, mais nécessaire, les peuples ne se nourrissent pas de promesses, oui c’est vrai, mais une fois qu’ils croient aux promesses de leurs dirigeants, cela entretient chez eux un puissant espoir qui, une fois trahi, provoque entre eux un divorce irrémédiable.
Un couteau à double tranchant quoi !
Youssou Diallo
Président du Club Sénégal Émergent