Le first-oil du gisement de Sangomar offshore est imminent, si l’on en croit les responsables de Petrosen, partie prenante pour le compte de l’Etat. Avec des réserves récupérables (il arrive que les ressources ne soient pas récupérables) estimées à plus de 630 millions de barils de pétrole, Sangomar livrera 100 000 barils/jour dans sa première phase. En toile de fond, il faut espérer que l’audit des coûts liés au programme des travaux et à la mise en valeur et la production, lancé depuis 2020, ne soit pas une pierre d’achoppement.
De report en report, elle finira bien par jaillir, la première huile du gisement offshore de Sangomar, situé à 100 km au Sud de Dakar. Mais ses sempiternels reports de la production ont un coût et ce coût, il faut le contrôler sous peine de se retrouver avec des surcoûts exorbitants qui seront répercutés sur le coup global du projet et qui, risquent de plomber les recettes espérées.
C’est depuis 2020 que l’Etat du Sénégal, à travers Petrosen Holding, a lancé un appel à candidature pour le recrutement d’un cabinet pour auditer les couts de développement dudit gisement pétrolier. C’est Ficadec, un discret cabinet d’audit sénégalais, qui s’y est collé au terme d’un processus qui a mis en compétition au moins six auditeurs nationaux et internationaux.
Comme on le sait, l’objectif est de passer à la loupe les dépenses réelles effectuées dans l’exécution des contrats tandis que l’enjeu de l’exercice, comme on ne le sait pas forcément, est d’autant plus capital qu’il engage directement les ressources attendues par l’Etat dans ses gisements pétrolier et gazier.
Il convient de souligner que dans un contexte de partage de production comme c’est le cas pour ce projet, c’est l’entrepreneur qui assume le financement de tous les coûts du programme des travaux approuvé, y compris les coûts connexes pour l’exploration, la mise en valeur et la production concernant le champ.
Le recouvrement de ces coûts se fait généralement selon une échelle mobile basée sur un « Facteur R », étant le ratio des recettes cumulatives tirées de la vente de pétrole par rapport aux dépenses cumulatives. Il convient de préciser que ce ratio communément appelé cost oil (opposé du profit oil), est initialement nul pendant la phase d’exploration dans la mesure où il n’existe pas de vente de pétrole. Cependant, il semble que les facteurs R sont plus faciles à déterminer et à vérifier que les facteurs de rentabilité, selon les spécialistes.
Pour faire simple, plus le facteur « R » est élevé, plus l’exploitation est rentable ainsi que le taux des redevances, et la part de la production de l’État peut augmenter avec un facteur « R » croissant. En revanche, cette part ne peut être inférieure à 40%, quel que soit le niveau du facteur.
Seulement, il est fréquent dans le monde du pétrole que les compagnies gonflent les coûts pour minimiser les impôts et tirer les marrons du feu, à la barbe de l’Etat car, ces coûts viendront en déduction des différentes recettes qui sont attendues. Les exemples sont foison à travers le monde particulièrement en Afrique.
Pilule trop grosse à avaler
Pas besoin d’aller trop loin, d’ailleurs, juste à côté, avec le projet GTA que développent conjointement le Sénégal et la Mauritanie, avec comme opérateur la compagnie britannique BP et qui fait l’objet d’un audit conjoint des coûts. Ces derniers auraient connu une explosion d’environ 60% des investissements initiaux. Les résultats préliminaires de l’examen des coûts de développement du champ GTA confirment un « surcoût injustifié » notamment dans les dépenses liées à la construction d’une plateforme d’extraction et de stockage de gaz.
Le rapport d’audit préparé par un cabinet tunisien spécialisé dans les coûts des projets énergétiques, a exprimé ses réserves sur les dépenses s’élevant à plusieurs centaines de millions de dollars, demandées par la société britannique, car elle affirmait à l’époque que la construction de plateformes d’extraction, le stockage et l’évacuation du gaz coûteraient le double de ce qui était prévu en 2018, lorsque la décision d’investissement a été prise. Le cabinet en question a ainsi suggéré à la partie mauritanienne de « rejeter » ces coûts « tant que BP ne fournit pas de raisons suffisantes pour les justifier ». Une renégociation globale est à envisager.
Le défi d’encadrer les coûts pétroliers s’impose donc pour le Sénégal afin d’éviter des pertes de recettes, mais aussi le défi de garder l’attractivité du Sénégal pour les compagnies pétrolières.
En tout état de cause, les mécanismes de règlement des différends disponibles sont une combinaison de textes de lois nationaux et/ou régionaux. Les exceptions intègrent généralement l’activité commerciale de l’État, la renonciation expresse ou implicite, et les conventions d’arbitrage. Pour ce dernier cas de figure, il intervient en dehors du système judiciaire, et ce, lorsque les parties saisissent un arbitre ou plusieurs qui est/sont généralement choisi(s) par elles. La décision de l’arbitre ou des arbitres lie les parties et les droits d’appel sont limités ou inexistants. Espérons qu’on n’en arrive pas là.
BP sur deux fronts
C’est ce qu’on pourrait appeler une « surfacturation » dans le contexte d’un simple marché. Sauf que …
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