À Monsieur Papa Sagna MBAYE
Ministre des Pêches et de l’Économie maritime (MPEM)
Dakar
République du Sénégal
Monsieur le Ministre,
Par la présente, nous souhaitons attirer votre attention sur la crise des ressources halieutiques que traverse le Sénégal
en raison notamment des pratiques de pêche destructrices de l’environnement, non durables et souvent illégales
pratiquées par la flotte chalutière du pays.
Pour atténuer les impacts environnementaux et socio-économiques de ce type de pêche, et protéger les moyens de
subsistance et la sécurité alimentaire des communautés de pêcheurs artisanaux ; nous vous prions instamment de
prendre des mesures urgentes et fortes.
Les communautés de pêche artisanale sont au cœur du secteur de la pêche au Sénégal. Elles fournissent plus de 80 %
des poissons débarqués dans le pays, jouant ainsi un rôle essentiel pour la sécurité alimentaire d’une nation où le
poisson représente 70 % de l’ensemble des apports énergétiques d’origine animale. La pêche artisanale soutient les
moyens de subsistance de centaines de milliers de foyers. Or, ces communautés se voient menacées par un grave
déclin des populations de poissons, causé en partie par la surpêche du fait de la surcapacité globale associée au
chalutage de fond.
La flotte sénégalaise de chalutiers de fond est l’une des plus importantes d’Afrique de l’Ouest. Elle s’est développée
ces dernières années, alors même qu’elle était déjà en surcapacité. Par ailleurs, les pratiques de pêche destructrices de
l’environnement, comme l’utilisation de filets au maillage non réglementaire et les incursions de chalutiers de fond
dans la zone réservée à la pêche artisanale, aggravent la crise du secteur. Les pêcheurs artisans ont vu le volume de
leurs captures diminuer considérablement et sont contraints de rivaliser avec les chalutiers de fond pour des ressources
qui s’amenuisent dans des zones de pêche surexploitées.
La flotte de chalutiers de fond du pays est essentiellement contrôlée par des acteurs étrangers provenant de l’Union
européenne, de Chine et d’ailleurs en Asie, par le biais de sociétés mixtes de pêche. Ces structures favorisent le pillage
des ressources halieutiques du Sénégal. Au Sénégal, les produits issus du chalutage de fond approvisionnent presque
exclusivement les marchés étrangers, alors que de nombreux foyers sénégalais peinent à se fournir en poisson sur les
marchés locaux pour leur consommation personnelle.
L’étendue réelle des dommages causés par le chalutage de fond est occultée par l’insuffisance des données disponibles.
Il est cependant clair que la diminution des captures et les pertes matérielles fréquentes liées aux incursions ont de
graves répercussions sur les moyens de subsistance et les conditions de vie des communautés de pêche artisanale.
Afin de limiter les dommages causés par le chalutage de fond au Sénégal et de protéger les populations de la précarité,
des mesures ambitieuses et fortes doivent urgemment être mises en œuvre.
Dans ce contexte, nous vous invitons à prendre les mesures suivantes :
● Prévenir et réduire les impacts du chalutage de fond sur l’environnement, y compris à travers une diminution
sensible de la capacité de pêche du secteur, et œuvrer à la restauration des écosystèmes dégradés ;
● Améliorer la transparence dans la gouvernance des pêches, notamment en facilitant les échanges
d’informations ;
● Réformer la gestion des pêches en mettant l’accent sur la démarche participative et en garantissant la
participation effective des communautés de pêche artisanale dans la prise de décision ;
● Renforcer le suivi, le contrôle et la surveillance des activités de pêche, et prévoir des sanctions effectives et
dissuasives à l’encontre des opérations de pêche illégale ; et
● Promouvoir une pêche artisanale durable, garante des moyens d’existence des communautés et de la sécurité
alimentaire nationale.
Afin d’asseoir et détailler ces mesures, les soussignés appellent à la création par arrêté, sur proposition de la Direction
de la gestion et de l’exploitation des fonds marins, d’un cadre de réflexion pluridisciplinaire et multi-acteurs sur la
problématique du chalutage de fond, dans la perspective de prévenir et de réduire durablement l’impact de ce type de
pêche sur les écosystèmes marins et les moyens de subsistance de ceux qui en dépendent.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Signataires :
1. AGIRE
2. BirdLife International – Africa Region
3. Blue Ventures
4. Collectif National des Mareyeurs pour le Développement du Sénégal (CNMDS)
5. Conseil National Interprofessionnel de la Pêche Artisanale au Sénégal (CONIPAS)
6. Environmental Justice Foundation
7. FENAGIE PECHE
8. Greenpeace Africa
9. Réseau des Parlementaires pour la Protection de l’Environnement au Sénégal (REPES)
10. Réseau National des Conseils Locaux de la Pêche Artisanale (RNCLPA)
11. Réseau National des Quais de Pêche du Sénégal
12. Réseau Régional d’Aires Marines Protégées en Afrique de l’Ouest (RAMPAO)
13. Transform Bottom Trawling Coalition
14. Union Nationale des Mareyeurs du Sénégal (UNAMS)
15. Union Nationale de Pêcheurs Artisanaux du Sénégal (UNAPAS)