Alors qu’une dizaine de pays africains s’apprêtent à entrer dans le club des pays exportateurs de pétrole et de gaz, le continent peut-il dès lors espérer sortir de la pauvreté ? S’il est difficile pour l’Occident d’interdire à l’Afrique d’exploiter ces ressources fossiles, de nombreux obstacles doivent être levés pour s’assurer que l’argent du pétrole (et du gaz) bénéficie bien aux populations locales.
Ouganda, Tanzanie, Kenya, Mozambique, Namibie, Sénégal, Mauritanie, Côte d’Ivoire … Une dizaine de pays africains s’apprêtent ou viennent de rejoindre le club des exportateurs de pétrole et gaz. Début mars, le Sénégal, où un important gisement de gaz a été découvert ces dernières années à la frontière avec la Mauritanie, est ainsi devenu membre observateur du Forum des pays exportateurs de gaz (Gas Exporting Countries Forum/GECF), une organisation intergouvernementale visant à défendre les intérêts des principaux pays exportateurs de gaz naturel. “Le Sénégal franchit une nouvelle étape vers une exploitation responsable de ses ressources naturelles au profit des populations”, a souligné le ministère sénégalais du Pétrole dans un communiqué.
Au sud du continent, en Namibie, pays qui n’a jamais produit de pétrole ou de gaz, un gisement de 10 milliards de barils de pétrole a été mis au jour il y a peu. Cette découverte pourrait faire de la nation l’un des 15 plus grands producteurs de pétrole d’ici 2035 et le 4ème le plus important en Afrique. De quoi susciter les convoitises de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Parmi les autres projets d’hydrocarbures qui se développent en Afrique, on peut également citer Eacop/Tilenga en Ouganda et en Tanzanie, un mégaprojet d’extraction de pétrole et d’oléoduc géant porté par TotalEnergies et qui suscite la polémique. Il y a aussi le controversé Mozambique LNG, également porté par la major française, stoppé en 2021 à cause d’une attaque jihadiste, mais qui devrait redémarrer cette année. Il faut dire que le pays, qui détient les neuvièmes réserves mondiales de gaz, pourrait produire chaque année les 3/4 de la production du Qatar.
Des fossiles pour se développer ?
Alors que la crise climatique impose de ne plus ouvrir de nouveaux champs pétro-gaziers – l’Agence internationale de l’énergie l’affirme clairement depuis 2021 – le fait que l’Afrique devienne le nouvel eldorado des énergies fossiles n’est pas forcément une bonne nouvelle de ce point de vue là. Mais il reste difficile de convaincre les pays de ne pas y aller. Pour de nombreux dirigeants africains, l’argent des fossiles va en effet permettre au continent de se développer, de sortir de la pauvreté, mais aussi de brancher les 600 millions d’Africains qui n’ont toujours pas accès à l’électricité, et enfin de financer la transition vers des énergies propres, alors que les ressources promises par le Nord tardent à se concrétiser.
Représentant la voix du secteur africain de l’énergie, l’African Energy Chamber (AEC) prône ainsi une “approche pragmatique qui englobe toutes les formes d’énergie, y compris le charbon, le gaz naturel, les énergies renouvelables et le pétrole”. “Nous devons continuer à exiger une transition énergétique juste pour l’Afrique – nous devons produire chaque goutte d’hydrocarbures afin de passer à des énergies propres”, a déclaré son président, l’emblématique NJ Ayuk, l’un des lobbystes les plus connues du secteur de l’énergie en Afrique, lors de l’Invest in African Energy, qui a tenu sa seconde édition à Paris en mai. “Si le gaz naturel est une bonne option pour les pays riches comme l’Amérique, pourquoi les pays en développement ne pourraient pas bénéficier des mêmes avantages ?”, fustige-t-il.
Au Sénégal, la Banque mondiale estimait en 2022 que l’entrée en production des gisements d’hydrocarbures devrait quasiment doubler la croissance de l’économie. Mêmes perspectives pour la Namibie, où le PIB pourrait presque doubler en dix ans. Au Mozambique, depuis le début de la production du projet FLNG Coral Sul mené par Eni, le PIB du pays a augmenté de 6% en un an seulement. Reste à faire en sorte que les retombées mirobolantes de ces projets, portés par des majors occidentales et voués à l’exportation, profitent bien aux populations africaines. Ce qui n’est pas une mince affaire.
La gouvernance, un enjeu majeur
“Quand on regarde les différents cas, on s’aperçoit que lorsqu’un pays est peu structuré, pas industrialisé, avec une gouvernance faible, le pétrole ne fait que déstructurer encore plus le fonctionnement de l’Etat. C’est le cas du Tchad, de la Guinée équatoriale, du Congo ou encore du Nigeria. Il est probable aussi que le Mozambique tombera dans ce piège, où le gaz ne sera utilisé que pour enrichir une classe dirigeante au pouvoir depuis l’indépendance en 1975”,explique Benjamin Augé, chercheur associé à l’Ifri, spécialiste des questions énergétiques en Afrique, interrogé par Novethic. Mais… (…) Pour lire la suite, cliquez sur :https://www.novethic.fr/environnement/transition-energetique/namibie-ouganda-mozambique-les-nouveaux-rois-du-petrole-et-du-gaz-peuvent-ils-sortir-lafrique-de-la-pauvrete