La France, le Kazakhstan et la Banque mondiale ont co-organisé le 3 décembre un « One Water Summit » à Riyad, en Arabie saoudite, en marge de la COP16 sur la lutte contre la désertification. Lionel Goujon, responsable de la division Eau et assainissement à l’AFD, qui a participé à ce sommet, en souligne l’intérêt pour un secteur souffrant d’un déficit de gouvernance à l’échelle mondiale.
Pourquoi la gestion de l’eau suscite-t-elle un plus faible intérêt que les autres grands enjeux environnementaux ?
Lionel Goujon : Le sujet est pris en compte au niveau des États, et leurs demandes sont importantes : la gestion durable de l’eau, l’accès à l’eau et l’assainissement représentaient 14 % de l’activité de l’AFD l’année dernière. Mais il souffre encore d’un manque de gouvernance à l’échelle internationale. L’eau est avant tout une ressource locale qui se gère au niveau des bassins versants, ce qui peut expliquer la moindre nécessité d’une politique mondiale de l’eau. Contrairement au climat, à la biodiversité ou à la désertification, il n’existe pas de convention des Nations unies sur l’eau, de documents engageant les États sur des trajectoires d’amélioration, de suivi… Il n’y a pas eu beaucoup de conférences de l’ONU sur l’eau : en 1977 et en 2023 seulement.
Pas moins de 26 agences des Nations unies travaillent sur l’eau. Cette diversité des acteurs et la difficulté à les coordonner est sans doute l’une des raisons du manque de clarté de la gouvernance jusqu’à présent. Il y a deux mois, une envoyée spéciale pour l’eau auprès du secrétaire général des Nations unies a néanmoins été nommée pour prendre en charge les thématiques liées à l’eau, tandis que des conférences de l’ONU sur l’eau sont prévues en 2026 et 2028.
Quels étaient les objectifs du One Water Summit et quelles avancées a-t-il permis ?
L’objectif principal était d’obtenir un portage du sujet à un niveau politique élevé, ce qu’ont notamment fait les présidents français et kazakhstanais, ainsi que la Banque mondiale, afin d’enclencher une dynamique pour la préparation de la prochaine conférence des Nations unies sur l’eau en 2026. En effet, les États qui ont fait des progrès importants sur la gestion de l’eau sont ceux où le sujet avait été pris à bras le corps par les chefs d’État, à même de donner une réelle impulsion.
Dans son discours, le président de la République française a aussi souligné le rôle des banques publiques de développement dans le financement du secteur. C’est justement ce à quoi nous œuvrons auprès de nos homologues d’autres pays au sein de la Water Finance Coalition, créée dans le cadre de l’initiative Finance en commun (FiCS), ainsi qu’auprès des banques nationales de développement, qui financent moins le secteur de l’eau en pourcentage de leur activité que les banques internationales.
Lors du sommet du 3 décembre, une initiative One Water Vision a aussi été lancée. Elle vise à faire collaborer les États et le monde de la recherche en vue d’une meilleure connaissance des ressources en eau. De manière paradoxale, on a par exemple en Afrique un dispositif de surveillance des ressources en eau moins bon que celui d’il y a 50 ans. Il y a ainsi un enjeu à pouvoir le maintenir, tout en utilisant les nouvelles technologies, notamment l’imagerie satellitaire.
De quelle façon l’AFD intervient-elle dans le domaine de l’eau et de l’assainissement ?
Le groupe AFD soutient de nombreux projets dans le secteur de l’eau dans le monde. En Égypte, l’AFD finance l’extension de la station d’épuration de Gabal El-Asfar, la plus grande d’Afrique, dont une partie des eaux usées traitées est réutilisée à l’Est du Caire. Nous accompagnons aussi depuis 20 ans la régie des eaux de Phnom Penh, au Cambodge, devenue un modèle de gestion publique efficace. Au Brésil, Proparco apporte son soutien à des opérateurs de distribution d’eau et de traitement des eaux usées en délégation de service public dans des villes importantes, comme Rio de Janeiro et São Paulo.