Le changement climatique est l’une des plus grandes menaces qui pèsent sur le développement mondial : des canicules et sécheresses aux inondations, les phénomènes météorologiques extrêmes détruisent les infrastructures, les emplois et les moyens de subsistance. Le coût mondial du changement climatique se chiffre déjà à 16 millions de dollars par heure (a).
Il est possible d’y faire face en intensifiant et en ciblant l’action climatique, sachant que, si l’on en croit des études récentes, les politiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique contribueront globalement à améliorer l’emploi (a). De fait, selon ces simulations mondiales, les scénarios de transition écologique ont des retombées autrement plus positives pour l’emploi que le statu quo.
De quelle manière le changement climatique agit-il sur l’emploi ?
Le changement climatique touche les emplois d’aujourd’hui et de demain en ce qu’il réduit la productivité du travail, les rendements et les revenus dans divers secteurs tels que l’agriculture, la construction, le tourisme, l’énergie et les infrastructures. Les populations pauvres sont les plus vulnérables, car elles vivent souvent dans de mauvaises conditions de logement, travaillent à l’extérieur et subissent des pertes de revenus dues aux dérèglements du climat, sans aucun moyen de s’y adapter.
Si les projections de pertes d’emplois varient considérablement en fonction des différents scénarios de changement climatique, elles font globalement état de retombées négatives. D’après les estimations de l’OIT, qui reposent sur des projections de température, des chiffres sur la productivité du travail et des données sanitaires, le stress thermique risque de réduire le nombre total d’heures travaillées dans le monde de 2 % d’ici à 2030. Les vagues de chaleur auront aussi des effets néfastes sur le tourisme et entraîneront un fort déclin des emplois dans un secteur souvent informel. Les modèles de rendement agricole prévoient des pertes allant jusqu’à 10 % par degré de réchauffement pour certaines cultures (a), ce qui risque rapidement de plonger des agriculteurs au bord du gouffre et de les obliger à arrêter leur activité.
Des modèles keynésiens basés sur la demande globale et la croissance de la productivité du travail montrent comment le changement climatique réduit la rentabilité en nuisant à l’investissement et à la production sur le court et le long terme (a). Ils suggèrent que l’emploi diminue dans un premier temps, avant de se redresser, mais à un niveau inférieur à celui que l’on observerait dans un monde sans changement climatique.
Comment les politiques climatiques peuvent-elles influer favorablement sur l’emploi ?
Chez les décideurs comme dans l’opinion publique, on considère souvent que les politiques d’atténuation et, dans une moindre mesure, les stratégies d’adaptation, mettent en danger de nombreux emplois et métiers. Or, ces mesures créent aussi des opportunités pour l’économie et les travailleurs. Par exemple, les politiques, réglementations et financements qui promeuvent des solutions vertes locales peuvent favoriser l’innovation, créer de nouveaux emplois et favoriser l’adhésion des populations (a). Afin de concrétiser les objectifs d’adaptation et d’atténuation, il est essentiel de planifier et d’analyser en amont les effets potentiels de la transition écologique sur l’emploi, et de comprendre notamment les conséquences de ces changements structurels sur les compétences demandées aujourd’hui et sur les besoins futurs.
L’une des raisons pour lesquelles les simulations mondiales indiquent des retombées positives pour l’emploi réside dans le fait que de nombreux secteurs au cœur de la transition bas carbone sont à forte intensité de main-d’œuvre peu qualifiée. La construction, par exemple, joue un rôle important dans la construction d’infrastructures résilientes ou dans le déploiement des technologies d’énergie renouvelable. En 2022, 13,7 millions de personnes dans le monde étaient employées dans la fabrication, l’installation et l’exploitation d’installations de production d’électricité et de chaleur à partir de sources renouvelables et dans le secteur des biocarburants.
En outre, les mesures de tarification du carbone contribuent également à la création d’emplois : en augmentant les ressources budgétaires des États, elles peuvent leur permettre de consacrer davantage de dépenses à des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre comme l’éducation et la santé. Les gouvernements peuvent restituer à la collectivité les recettes tirées des taxes carbone. Plusieurs pays européens en ont même tiré un double dividende, en engrangeant à la fois des bénéfices environnementaux et des baisses de charges sociales.
Des systèmes énergétiques et de transport plus propres et efficients ont également des effets positifs directs sur l’emploi. Pour les populations rurales notamment, l’accès à des sources d’énergie et d’électricité propres (a) est un facteur important pour se tourner vers des activités économiques non agricoles mieux rémunérées, tandis que des transports publics plus efficaces facilitent les déplacements vers des emplois de meilleure qualité, en particulier pour les femmes.
Enfin, la manière dont est menée la transition bas carbone revêt une importance primordiale. Les politiques climatiques doivent s’accompagner d’un soutien en faveur des laissés-pour-compte de la transition, afin d’accroître son acceptabilité sociale. Ce qui consiste notamment à appuyer la mobilité, la reconversion et la requalification de la main-d’œuvre, mais aussi à mettre en place des transferts sociaux pour les travailleurs qui ne peuvent pas occuper de nouveaux emplois. Les responsables publics peuvent en outre renforcer l’acceptation et l’adhésion de la population à une action climatique vigoureuse en associant les travailleurs à la prise de décision et en encourageant la participation citoyenne.
Changement climatique, politique climatique et emploi
- Les initiatives visant à promouvoir les technologies bas carbone peuvent avoir des effets positifs immédiats sur la croissance économique mondiale tout en l’inscrivant dans une trajectoire plus durable (a). (Chewpreecha et al., « Prospects and Policies for Global Sustainable Recovery ». International Papers in Political Economy, mai 2023)
- Les décideurs publics doivent adopter une approche stratégique pour progresser vers les objectifs de l’accord de Paris (a), en mettant l’accent sur la gouvernance climatique, l’ordonnancement des politiques et les processus de conception. (Hallegatte et al., Within Reach: Navigating the Political Economy of Decarbonization, novembre 2023)
- Les dérèglements du climat nuisent à l’économie. C’est pourquoi il est important de prendre des mesures de lutte contre le changement climatique pour améliorer les revenus et l’emploi (a). (Rezai et al., Ecological Economics, avril 2018)
- À partir d’une base de données entrées-sorties multirégionale, une étude prédit que d’ici à 2030, la transition mondiale vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique entraînera une création nette d’emplois dans la plupart des économies (a). (Montt et al., International Labour Review, décembre 2018)
Avec la Banque mondiale