Après deux années de ralentissement, le secteur secondaire connaîtrait un bond de 20,6% en 2024 contre une hausse de 2,8% en 2023, soit une progression jamais atteinte par le passé. Globalement, les projections de la Direction de la prévision et des études économiques (DPEE) sont très optimistes pour l’activité en 2024.
Coup de théâtre… l’analyse des ressources du PIB dont le taux de croissance réel est projeté à 9,2% en 2024 (contre une prévision de 4,1% en 2023), fait ressortir une croissance de plus de 20% du secteur secondaire. Ainsi après deux années de ralentissement, le secteur secondaire qui a connu une hausse de seulement 2,8% en 2023, devrait afficher en 2024, un bond spectaculaire jamais atteint par le passé. Cette progression, selon les prévisionnistes de la Direction de la prévision et des études économiques (DPEE), serait en liaison essentiellement avec la contribution exceptionnelle attendue de l’exploitation du pétrole et du gaz, conjuguée à la poursuite de la tendance positive des autres activités du secteur.
Ce dynamisme serait favorisé, entre autres, par la poursuite de la mise en œuvre des projets structurants du Plan Sénégal émergent inscrits dans le PAP-3. Par ailleurs, les chaînes d’approvisionnement devraient s’améliorer et la détente attendue sur les cours des matières premières contribuerait à réduire les pressions inflationnistes.
L’essentiel des sous-branches du secteur secondaire devrait enregistrer des accroissements relativement satisfaisants. En premier, la branche « pétrole et gaz » afficherait une contribution de 8,9% à la valeur ajoutée du secteur secondaire et de 2,3% au PIB. L’exploitation des ressources d’hydrocarbures dont les démarrages effectifs des projets de GTA et de Sangomar sont attendus au courant de l’année 2024, devrait booster de manière considérable la valeur ajoutée du secteur secondaire, selon les prévisionnistes. Pour rappel, il est attendu, en 2024, une production de 12,7 millions de barils de pétrole brut et 14,2 Tbtu de gaz naturel liquéfié (GNL).
En sus du redimensionnement de la Société africaine de raffinage (SAR) pour le traitement du pétrole brut de Sangomar et de l’augmentation des capacités de production de la société, la reprise attendue de l’activité de raffinage projetée en hausse de 9,4% après une hausse de 80,8% prévue en 2023, profiterait de la baisse attendue des cours du baril de 6,2% en 2024.
Regain de l’activité minière
Outre l’exploitation des ressources d’hydrocarbures, les activités extractives bénéficieraient du cadre de développement du hub minier régional du Sénégal, avec l’amélioration du cadre réglementaire devant faciliter la mise en œuvre de la stratégie de relance du sous-secteur. Celle-ci est articulée autour de l’accélération, entre autres, de l’exploitation aurifère, du zircon et des phosphates, en sus de la relance du projet intégré des mines de fer de la Falémé dont les négociations sont en cours avec de potentiels partenaires.
A cet effet, l’exploitation de l’or se renforcerait à la faveur de l’augmentation des réserves de Sabodala Gold Operation (SGO), de l’entrée en production de Sored Mines et de la mise en œuvre du projet d’encadrement et de promotion de l’exploitation minière artisanale.
Par ailleurs, l’aboutissement des négociations pour le démarrage effectif de l’exploitation du gisement de zircon de Niafarang d’une capacité de production annuelle de 54 000 tonnes de minéraux lourds, renforcerait davantage les activités extractives. En somme, les activités extractives hors ressources d’hydrocarbures sont projetées en hausse de 6,4%.
Globalement, le secteur secondaire contribuerait à hauteur de 4,5 points à la croissance du PIB réel projeté en 2024 et les activités extractives globalement (hydrocarbures et mines) sont projetées en hausse de 169,6% au titre de l’année 2024 contre un repli de 9,0% prévu en 2022
En somme, le taux de croissance réel du PIB projeté à 9,2% en 2024, devrait être largement tiré par le secondaire (+20,6%) et suivi dans une moindre mesure par les secteurs primaire (+4,8%) et tertiaire (+6,0%).
Analyse
Au-delà du pétrole et du gaz
Les perspectives industrielles sont certes encourageantes en termes d’activité, mais les objectifs de transformation structurelle de l’économie devraient reposer sur une véritable stratégie d’industrialisation capable de supplanter l’importation de biens intermédiaires qui ne cesse de croître, et booster la valeur ajoutée industrielle. Le déficit structurel de la balance commerciale est d’ailleurs lié au retard industriel et non pas à la question monétaire souvent agitée. Cependant, la stratégie devrait reposer sur une vision prospective. L’économie pétrolière et globalement l’économie extractive, doit être traitée en relation avec l’économie nationale, avec une planification stratégique à long terme. Il s’agit de créer des liens entre le secteur pétrolier et gazier et le reste de l’économie afin de favoriser une diversification économique et éviter une dépendance nuisible et le « syndrome Hollandais ». Celui-ci renvoie à une économie qui mise exclusivement son développement sur la rente pétrolière au détriment des autres secteurs. Or, la meilleure orientation consisterait à renforcer l’intégration de l’industrie locale par la remontée des filières et à promouvoir des activités industrielles viables, orientées aussi bien vers les marchés nationaux que mondiaux.
Autrement dit, le Sénégal devra travailler à se doter de capacités à générer une production manufacturière et des exportations et à orienter ses ressources en capital et main d’œuvre.
Le Sénégal s’est doté d’une Politique et Stratégie d’industrialisation du Sénégal (2021-2035), pilotée par le Ministère du Développement industriel et des Petites et moyennes industries. En substance, le plan d’actions de ladite politique organise le territoire national en pôles de développement économique basés sur la valorisation des potentialités territoriales. Cette option, suppose la densification du tissu industriel national, grâce à une implantation géographique équilibrée et à une articulation plus étroite entre les secteurs économiques.
L’exploitation du pétrole et du gaz pourrait certainement contribuer à une croissance économique inclusive et un développement durable à condition que des mécanismes de gouvernance efficaces soient mis en place, des capacités pour gérer et contrôler soient renforcées et des articulations entre ces ressources et les autres secteurs vitaux de l’économie nationale et locale soient clairement établies. Il est là, le véritable enjeu.
Malick Ndao(Avec Challenges économiques)