Les Directeurs nationaux des services de la météorologie des pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) ont tenu durant trois jours une rencontre à Bamako en marge du forum sur les Prévisions Saisonnières des caractéristiques Agro-hydro-climatiques (PRESSAS 2025) pour coordonner les prévisions météorologiques et climatiques au bénéfice des populations du Niger, du Burkina Faso et du Mali. Espacedev a profité de cette occasion, dans le cadre d’un entretien croisé, pour interroger les trois directeurs généreux des Etats de l’AES sur ces deux questions cruciales.
Espacedev : Nous savons que les Etats de l’AES sont confrontés à différents défis qui ont pour noms : sécurité, mais aussi climat. Alors dans le cadre de la diffusion de l’information saisonnière, faut-il donner toute l’information qui pourrait être utilisée par l’ennemi pour d’autres usages? Comment sauvegarder l’intégrité de l’État et le droit à l’information pour le public ?
Katiellou Gaptia Lawan, Directeur Général Météo Niger :

Je salue cette initiative de réseautage de médias par le centre Aghrymet en Afrique de l’Ouest et le Sahel. Nous sommes déjà à six (Sénégal, Bénin, Togo, Burkina-Faso, Niger et Mali) pays pour pouvoir faire véhiculer l’information climatique de façon générale. L’information climatique, comme météorologique ne peut pas prospérer tant qu’il n’y a pas de communication, tant qu’il n’y a pas de médias relayeurs. Car, vous savez que dans ce domaine de la météo, les produits sont tout à fait périssables. Donc, créer des collaborations étroites entre nos services et les médias devient un impératif à mon sens. Déjà, dans les sciences de la météorologie, la dissémination de l’information occupe une place de choix.
Dans mon bureau au Niger, dans la fiche que j’ai faite, il n’y a pas d’heure de rendez-vous pour les médias. Ils sont reçus à tout moment. Nous sommes là pour leur donner toute information requise. Nous savons que nous formons une équipe avec les médias. C’est pour montrer l’importance que les médias ont pour la météorologie et pour nos différents services.
Maintenant pour cette question toute particulière et d’actualité, qui est valable chez mes autres collègues de l’AES à savoir l’insécurité et l’information météo. Pendant que je vous parle, nous avons des restrictions sur les produits que nous diffusons. Vous aurez remarqué qu’au Niger, nous n’arrivons pas à diffuser à la télévision. Nous sommes en réflexion de concert avec les autorités pour pouvoir déterminer les meilleures façons de le faire. Cette question ne peut être régler qu’avec toutes les autorités et les acteurs concernés pour cerner les contours de cette question sensible pour arriver à une solution qui arrangerait tout le monde et surtout qui fasse que la question de l’insécurité soit bien traitée et garantie.
Tandia Fanta Traoré Directrice Générale de Météo Mali :

Par rapport à cette question, l’information météorologique est capitale, parce qu’elle permet de sauver des vies humaines. L’information climatologique est plus que capitale, parce que c’est elle qui a le support du développement. L’un dans l’autre, nous devons communiquer ces informations. Mais nous devons aussi analyser aussi quel est le moins-value du non partage de ces informations. Evidemment, nous sommes en temps de guerre, mais pour moi, nos populations comptent beaucoup plus que ceux-ci qui cherchent à nous déstabiliser. Donc, nous ne pouvons pas constituer un frein à notre propre développement parce que nous avons en face de nous des ennemis.
Pour moi, l’information météorologique doit être partagée. Vous (médias) êtes les relais qui sont entre nous producteurs d’informations que nous sommes et les usagers.
L’information météorologique n’a de valeur que lorsqu’elle parvient à l’usager final dans un format simple et facile à intégrer dans les circuits décisionnels.
Dr Mariam TIDIGA, Directrice Générale Météo du Burkina Faso :

Je suis d’avis avec mes collègues pour dire que l’information météorologique est capitale. Dès que les services de la météo émettent ces informations, elles doivent être diffusées. C’est notre devoir de donner cette information pour permettre aux gens de se préparer pour sauver des vies.
Je vais plutôt intervenir dans le cadre des fake news. Pour les prévisions saisonnières, le fait de donner une mauvaise information, cela rentre dans le cadre de l’insécurité. A la fin de nos travaux, on a donné des prévisions saisonnières. Imaginez quelqu’un qui prend ces informations où il est prévu une bonne saison (pluies, cumul, etc.) pour donner le contraire de cette information. Cela va semer le trouble dans l’esprit des populations. Pour nous, l’urgence est de lutter contre les fake news. L’information que nous produisons peut-être reprise par d’autres et changer le contenu de cette information. Notre rôle, aujourd’hui, c’est de permettre à la population de savoir qu’elle est la vraie et bonne information météorologique qui provient de nos services. C’est essentiel et capital.
L’an dernier, dans un groupe WhatsApp dont je suis membre, il y a une personne qui s’est permis d’apporter une image satellitaire datant de plus de deux ans où on voit des paquets de nuages pour dire que la saison va se présenter telle quelle. Cela a semé la panique dans le groupe. Tout cela était faux. Les médias doivent avoir confiance aux prévisions qui viennent de nos centres. Nous vous encourageons à aller à la source pour prendre la bonne information car lutter contre l’insécurité commence par ça.
Espacedev : Quel est l’intérêt de cette rencontre des trois directeurs généraux de la météo des états de l’AES.
Mme Tandia DG Météo Mali : L’Alliance des Etats du Sahel (AES), comme vous le savez, elle est aussi politique, technique et économique. Je ne cesse de le répéter, nous n’avons pas le droit d’échouer. Pour ce qui concerne nos services de météo, nous essayons de mutualiser le peu que nous avons au bénéfice des populations des trois Etats. Nous (Mali), nous sommes spécialisés dans certains domaines. Le Niger et le Burkina Faso dans d’autres domaines.
Il s’agirait essentiellement pour nous du Mali, de faire une analyse de ces différents domaines et chaque pays prendra chez l’autre ce qui lui manque. Ensembles, nous allons avancer pour jouer notre rôle de moteur d’impulsion des autres secteurs de la vie économique. La climatologie est le support du développement. Personne ne peut le nier. Voilà en résumé l’objet de cette rencontre de trois jours à Bamako avec mes collègues du Burkina et du Niger.
M. Lawan DG Météo Niger : Il est bien de rappeler que c’est en Octobre 2024, sous l’initiative de la Directrice de la météo du Mali que nous nous sommes retrouvés pour le premier atelier à Niamey où nous avons jeter les bases de la création d’un cadre d’échanges, entre nos différentes structures dans le cadre de la confédération pour voir comment mutualiser tout ce que nous avons (moyens financiers, ressources humaines) et avoir des projets innovants communs pour notre espace. Actuellement, nous sommes en train d’actualiser les plans d’action et sa mise en jour en créant des groupes de travail thématiques. Tout cela va être corroborer par une convention au nom de l’AES pour tout ce qui est service météorologique avec un bon programme le tout encadrer par les politiques.
Dr TIDIGA DG Burkina Faso : Ces rencontres nous permettent de planifier nos actions et de partager des informations sur la météo. De mon pays le Burkina Faso, je peux avoir des informations s’il y a un système nuageux au Niger et en temps réel dans la minute qui suit. Quand le système arrive chez nous, c’est le Mali qui nous regarde. Quand la poussière se lève à Ménaka, nous savons quand elle arrivera à Ouaga, ce sera très salissant. Déjà, nous sommes liés par cette réalité climatologique et météorologique. Ces rencontres nous permettent de mutualiser les efforts, d’harmoniser nos pratiques et se donner des conseils pour trouver les solutions.
Entretien réalisé par Babacar Mbaye BALDÉ