Après une tournée de sensibilisation contre les usines de farine et d’huile de poisson à travers sept localités abritant ces industries, la coalition nationale a fait face à la presse, vendredi 20 juin au niveau de la Maison du pêcheur, à Ouakam. Pour la Coalition, l’objectif de cette action est d’alerter l’opinion, particulièrement les autorités nationales et sous régionales, sur les effets dévastateurs de cette industrie sur les océans, la pêche artisanale et la vie des communautés.

Dans le prolongement de la Journée mondiale de l’océan, cette mobilisation entamée le 16 et qui a pris fin ce 20 juin, a permis de recueillir de nombreux témoignages sur les conséquences directes de cette industrie. « Ces conséquences ont pour noms : surexploitation des petits pélagiques, perturbation des écosystèmes marins, destruction de la chaîne alimentaire », souligne Mamadou Sarr, coordonnateur de la coalition. Selon Greenpeace Afrique qui soutient les communautés dans ce combat, « la pression de pêche ne cesse d’augmenter, avec des captures massives de poissons juvéniles, réduisant dangereusement les stocks halieutiques locaux. Des impacts graves sur la santé des populations ont aussi été rapportés : à Saint-Louis, Kayar, Sandiara, Joal ou Diamniadio, des familles sont contraintes à des déplacements forcés dès que les usines entrent en production ».

« Les usines de farine de poisson vident nos mers et menacent nos moyens de subsistance », alerte Mamadou Sarr, coordonnateur. « Nous demandons simplement la publication de l’arrêté interdisant l’installation de nouvelles usines au Sénégal, nous appelons aussi à la fermeture de celles existantes car elles sont en grande partie responsables de la disparition de la ressource et la multiplication de maladies respiratoires. Il est urgent que nos océans soient protégés, pour que nos enfants puissent en vivre demain comme nous en vivons aujourd’hui », poursuit-il dans sa déclaration à la presse.

A en croire Greenpeace, la tournée s’est déroulée dans un contexte international marqué par la récente Conférence des Nations Unies pour l’Océan, tenue à Nice. Plusieurs pays, dont le Sénégal, y ont signé le Traité sur la Haute Mer — un engagement important pour la gouvernance des espaces maritimes au-delà des juridictions nationales. « Mais pour les communautés côtières, les engagements doivent désormais se traduire en actions concrètes sur le terrain », souligne la Coordinatrice régionale Afrique de l’Ouest, Aïssatou Cissokho lors de la conférence de presse.
« Cette semaine, nous avons écouté celles et ceux qui subissent les conséquences directes de la surpêche et de la pollution. Leur cri d’alerte ne peut plus être ignoré », déclare Mamadou Kaly Ba, chargé de campagne Océan chez Greenpeace Afrique.
« Les autorités doivent avoir le courage d’agir : réguler ces usines, faire respecter les lois, protéger nos océans pour les générations futures. Produire un kilogramme de farine de poisson nécessite entre 4 et 5 kg de poisson frais : c’est une absurdité écologique et sociale », affirme-t-il.
Au Sénégal, six de ces huit usines sont actives (Afric-azote à Dakar, Africa feed à Ndoukhoura peul commune de Diamniadio, Omega à Joal, Barna/Touba protéine à Cayar, Sea product à Gandiol, Belmeal à Sandiara) transforment du poisson frais, apte à la consommation humaine, en intrants pour l’aquaculture ou l’alimentation animale à l’étranger. Un modèle qui compromet directement la sécurité alimentaire locale, détruit des emplois dans la pêche artisanale et affecte la santé des populations riveraines, explique Mamadou Sarr.
« Les femmes transformatrices, les pêcheurs, les jeunes : tout le tissu social de nos villages côtiers est en danger à cause de cette industrie », ajoute Kaly Ba. « Ce n’est pas seulement une crise écologique, c’est un drame humain. »
Il faut dire qu’à partir de Ouakam, la lutte contre les usines de farine et d’huile de poisson a pris une envergure sous régionale. Pour preuve, la Mauritanie et la Gambie ont été bien représentées par Mansour Bakhaïda de l’Ong Zakia et Moustapha Mané, chercheur et activiste gambien. Parce que selon ces deux derniers, ces usines polluantes et destructrices des ressources marines sont même plus présentes en Gambie et surtout en Mauritanie.
En 2024, la coalition dont Greenpeace Afrique est membre actif, avait publié un mémorandum appelant à la fermeture des usines de farine et d’huile de poisson ; à l’interdiction d’utiliser du poisson frais destiné à l’alimentation humaine ; et à la reconnaissance officielle et la valorisation des métiers des femmes transformatrices à travers un décret dédié.
Aujourd’hui, face à l’aggravation de la situation, ces revendications ne sont plus simplement pertinentes. Elles sont urgentes, vitales, et doivent être entendues, affirment avec insistance l’Ong de défense des océans et des ressources marines.
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