Depuis septembre 2025, le Mali traverse une crise énergétique sans précédent. La pénurie de carburant, provoquée par un blocus imposé par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), a plongé le pays dans une situation de tension économique, sociale et humanitaire. Ce blocus, ciblant les convois de carburant en provenance de la Côte d’Ivoire, de la Guinée, du Burkina Faso et du Sénégal, a mis à nu la vulnérabilité du système d’approvisionnement malien, fortement dépendant de ses voisins côtiers.
Un quotidien bouleversé pour la population
Dans les rues de Bamako et des grandes villes comme Kayes, Mopti ou Gao, les files d’attente devant les rares stations-service encore fonctionnelles s’étendent sur des kilomètres. Le carburant est devenu un bien rare, vendu à prix d’or sur le marché noir. Les motos, taxis et bus tournent au ralenti, affectant la mobilité des citoyens et leur accès aux services essentiels. Les ménages, déjà fragilisés par l’inflation, doivent faire face à une flambée des prix des produits de première nécessité, transportés difficilement à travers le pays. Les générateurs, utilisés pour pallier les coupures d’électricité, sont désormais inutilisables faute de carburant, aggravant les conditions de vie.
Les Nations Unies et les ONG en difficulté
Les agences des Nations Unies et les ONG humanitaires, très actives au Mali, voient leurs opérations entravées. Les missions sur le terrain sont limitées, les convois humanitaires retardés, et les capacités logistiques réduites. Cette situation compromet l’assistance aux populations déplacées, aux communautés vulnérables et aux zones enclavées, où l’aide humanitaire est vitale.
Société civile : entre mobilisation et résilience
Face à cette crise, la société civile malienne s’est mobilisée. Des voix s’élèvent pour dénoncer la spéculation et appeler à une meilleure gouvernance énergétique. Le Front contre la vie chère, par exemple, demande une distribution équitable du carburant et une transparence dans la gestion de la crise.
Écoles et universités fermées
Le 26 octobre 2025, les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur ont annoncé la suspension des cours dans tout le pays pour deux semaines. Depuis le début de cette crise, plusieurs écoles et universités privées avaient déjà fermé leurs portes. L’absence de carburant empêche les enseignants, élèves et étudiants de se déplacer, perturbant gravement le calendrier scolaire et universitaire.
Entreprises d’eau et d’électricité à l’arrêt
Les sociétés de production et de distribution d’eau et d’électricité, déjà confrontées à des défis structurels, sont fortement impactées. Les centrales thermiques tournent au ralenti, les coupures d’électricité se multiplient, et l’approvisionnement en eau devient irrégulier. Cette situation affecte les hôpitaux, les commerces, et les foyers, aggravant les risques sanitaires.
Libre circulation entravée
Les axes routiers reliant le Mali à ses voisins sont devenus des zones de danger. Les attaques contre les camions-citernes ont semé la peur parmi les transporteurs, désormais escortés par les forces armées maliennes. La libre circulation des biens et des personnes est fortement compromise, affectant le commerce régional et les échanges transfrontaliers.
Un lien indirect avec le changement climatique
Bien que la crise actuelle soit principalement sécuritaire et logistique, elle met en lumière la nécessité de repenser le modèle énergétique du Mali. La dépendance aux hydrocarbures importés rend le pays vulnérable aux chocs externes. Cette situation pourrait être l’occasion d’accélérer la transition vers des énergies renouvelables, comme le solaire ou les biocarburants, plus résilients face aux crises et plus durables pour l’environnement.
Vers une souveraineté énergétique ?
La crise actuelle agit comme un électrochoc. Des experts et acteurs politiques appellent à la création de dépôts stratégiques régionaux, à la diversification des corridors d’importation, et à des partenariats public-privé pour renforcer la résilience énergétique du pays. Le Mali doit tirer les leçons de cette crise pour éviter qu’elle ne se reproduise.
La crise du carburant au Mali dépasse la simple pénurie : elle révèle les failles d’un système, les conséquences d’un conflit asymétrique, et les défis d’un pays enclavé en quête de stabilité. Elle affecte tous les secteurs de la vie nationale, du quotidien des citoyens à la souveraineté énergétique. Mais elle pourrait aussi être le point de départ d’une transformation profonde, si les leçons sont réellement tirées.
Hawa TOUMAGNON
Correspondance particulière




